Arthur Ashe, le régard du silence!
La première fois que j'ai lu les Mémoires de Arthur Ashe - Jours de grâces - , nous sommes en 1997 précisément un 15 avril, peu avant la guerre de Brazzaville.Déjà j'étais sous le charme. Et, il me fallu attendre huit années pour pouvoir retrouver ce livre; qui se fait rare, d'ailleurs.
Aujourd'hui, le nom d'A. Ashe se lie vite au Tennis, c'est comme Ayrton Senna pour la Formule I ou le Roi Pélé pour le Foot ball. Pourtant, ce 06 février 1993 au New-York hospital Center Arthur Ashe quittait son monde de Tennis, sa famille et allait plus loin, du côté de " m'pemba " - selon l'expression de S.Bemba - en laissant un ouvrage en chantier que, Arnold Rampersald et Jeanne Moutoussamy-Ashe eurent le merite de publier.
Dans ces Mémoires " Days of Grâces ,version anglaise " ; aux premiers mots, Ashe accorde une importance considérable à son être : " Si la réputation peut-être considérée comme une propriété, alors, de tout ce que je possède, elle est mon bien le plus précieux, et de très loin ". Pour lui, l'honnêteté, la confiance seraient des armes pour bénéficier de l'estime des autres " ...je tiens à ce qu'aucune tâche, aucune souillure ne vienne salir ma réputation " . Cette réputation qu'il a su gardée jusqu' au 07 avril 1992- date à laquelle le Magazine USA Today dévoile son silence en annonçant sa seropositivité.
Ashe retrace dans ce livre toutes ses heures de gloire: Capitaine de l'équipe américaine de Tennis, 03 fois le tournoi du grand Chelem, pilier du tennis professionnel International...nous parle avec force et courage de son amitié, plutôt de ses heurts avec McEnroe ou Jimmy Connors, de sa découverte, lors de son séjour à Yaoundé, d'un jeune talent français, Yannick Noah dont il ne cessera jamais d'encourager la carrière. Militant actif dans les années 1970, Arthur Ashe protesta contre l'exclusion de l'afrique du Sud de la coupe Davis eu égard à la politique d'apartheid menée.Rencontre Nelson Mandela et parcourt les USA pour réclamer davantage de protection sociale. Se bat contre l'exclusion des réfugiés Haïtiens devant la maison blanche où il sera interpellé par les forces de l'ordre...
Ce qui m'émeut en l'homme, c'est sa conception de la vie qui semble plus naturelle. Derrière ce calme olympien se cachait quelqu'un de tranchant, ne ruminant ni haine, ni hantise à l'égard de tous ceux-là qui lui voulurent du mal. La dignité faisant route avec la vérité, tandis que A. Ashe découvre dans l'aveu de sa propre personne et ce qu'il est profondément une étrange sensation de bonheur et d'accomplissement, surtout de tout ce qu'il a fait.
Peu à peu, pendant ses derniers moments où le souffle de l'existence se dissipait dans les poumons, la famille occupait une place importante. Ashe commence à réaliser le vide que peut engendrer une disparition. Son régard détaillant longuement son envie de vivre ne laissait guère son admirable sourire poindre.
A quelques jours de sa mort, il laisse ces mots à sa fille Camera - des mots qui concluent le livre.
Ma chère Camera
" A l'heure où tu liras pour la première fois cette lettre, il est possible que je ne sois plus près
de toi pour te la commenter.Ma disparition t'attristera certainement, et le souvenir que
tu garderas de moi restera précis pendant quelque temps, avant de s'effacer peu à peu de
ton esprit.
Ashe poursuit sa lettre en empruntant le chemin boueux des images, mettant en exergue la métaphore du fleuve lorsqu'il parle de sa famille:
" Ce fleuve est la mort mais il est aussi la vie.Les fleuves roulent éternellement, changeant toujours; jamais un fleuve n'est le même d'un moment à un autre, car l'eau qui coule est autre à chaque instant.Ainsi est aussi la vie.
De l'arbre " Chaque fois que tu vois un arbre imposant, sache qu'il a dû lutter, plier et se redresser pour survivre ", symbolisant les racines familiales, très importantes.
Complète ces lignes : " Je te le dis, Camera, le racisme et le sexisme ne doivent jamais être une excuse pour ne pas faire de ton mieux. L'un et l'autre continueront probablement toujours à exister, mais tu dois toujours essayer de t'élever au-dessus "
...Il t'arrivera de trébucher en chemin, peut-être même de tomber, mais cela aussi est normal, et il faut s'y attendre.Relève-toi, remets-toi solidement sur tes pieds, assagie mais plus avisée, et reprends la route. "
Où que vous soyez lorsque vous lirez ce post, ou bien lorsque vous trébucherez et tomberez sans savoir si vous pourrez vous relever, pensez à ces mots.
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Fridolin TCHEKHOV