L'abbé Pierre, un homme au coeur vaillant
" Il faut savoir arracher de sa bouche la moitié de sa ration pour la donner à plus affamé que soi " m'apprenait Martin Gray et c'est sur cette phrase que j'ai bâti toute la philosophie de ma vie. Une philosophie déjà débroussaillée par les grands de ce monde et, timidement j'essaie de suivre le chemin. Je rentre donc de Paris où j'ai assisté aux obsèques de l'Abbé Pierre. Un Grand Monsieur qui donnait toute sa vie au service des autres, au service de ceux qui n'ont pas un toit.
Nous sommes en Janvier 1954, en plein hiver,sous une température à -20°C, un jeune monsieur, encore inconnu de la scène lança un appel à la radio: " Toi qui souffres, qui que tu sois,entre assis, mange; reprends espoir, ici on t'aime " . L'espoir qu'on avait quand l'Abbé Pierre était vivant. Maintenant, depuis qu'il n'est plus sur cette terre des hommes, on s'intérroge sur l'homme qui sera capable de parler à notre place.Lui, était la voix des sans voix, la parole de ceux qui s'affaissent au cachot du désespoir ( A.Cesaire). Pourtant la personnalité préférées des Français - 17ans sur la fiche - a mené sans lassitude le combat de la misère. Nous l'avons vu partout, avec son bâton de bonnes paroles, prêchant la tolérance, l'amour et fidèle jusqu'à l'absolue. Comme l'a si bien dit Monseigneur Ph. Barbarin, Evêque de Lyon dans son Homélie ce matin, [l'Abbé Pierre] était l'Insurgé de Dieu au service des pauvres ".
Aujourd'hui, 54 ans après, la misère n'a pas disparu de la France; et il est étonnant de voir que les gens dorment encore dans ces campements de fortune. Toujours mal logés, mal traités et il manque le minimum. Oui, l'Abbé était la lumière qui éclairait la nappe obscure de la politique. Il a pu relever avec patience et sympathie ceux qui sont faibles, a intervenu avec amour et douceur, là où la dureté des politiques concluait mortellement. Tous les compagnons d'Emmaüs sont restés attristés, sans guide. Leur cri résonnera dorénavant comme l'écho d'une voix en détresse qui s'évanouira dans le silence de la politique et dans l'oubli des projets mal tenus.
A tous ceux-là qui ont quitté ce monde et dont chacun connaît la droiture : Mère Teresa, Dom Helder Camara, Sergio Viera de Melo, je suis prêt et résolument capable de poursuivre vos oeuvres; c'est le plus grand hommage que je puisse vous rendre!
Fridolin TCHEKHOV